Qu’est-ce qu’un acte antisémite ?
la loi et la réalité
Tout le monde se souvient de cette étrange incertitude de l’opinion durant les dix jours qui suivirent l’assassinat d’Ilan Halimi, lorsque les médias se demandaient doctement s’il s’agissait ou non d’un “acte antisémite”. Depuis 2003, le code pénal reconnaît l’antisémitisme comme “circonstance aggravante” d’un crime ou délit lorsque celui-ci est « précédé ou accompagné de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (art.132-76).
Or, à l’épreuve de l’expérience, la lettre de la loi ne clarifie pas les choses. Les notions d’« ethnie », « nation », « race » ou « religion » caractérisent-elles les victimes de l’antisémitisme ? En insérant ces mentions au terme d’une liste à la Prévert (origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, patronyme, lieu de résidence, état de santé, handicap, caractères génétiques, mœurs, orientation ou identité sexuelle, âge, opinions politiques, activités syndicales), la loi sur les discriminations (art. 225-1 de 2004) en obscurcit encore la portée.
Mais c’est l’exigence limitative de « propos, écrits, images, objets ou actes », en surplus de l’acte faisant l’objet des poursuites, qui est au plus haut point problématique. Censés prouver l’intention antisémite, ils limitent l’appréciation du magistrat et rendent difficile la charge de la preuve, qui repose sur la victime. Ainsi, si une synagogue brûle, rien ne prouve a priori qu’il s’agisse d’un acte antisémite (comme l’a estimé un juge de Montpellier en 2001) dès lors que nul n’a entendu les incendiaires proférer des insultes et qu’aucune inscription antisémite n’y a été retrouvée.
Quant au contenu des « propos, écrits, images, objets ou actes », son évaluation repose sur les croyances d’une société à un moment donné et sur l’échelle de valeurs qui départit le vrai du faux, le sacré du profane, la raison de la folie, le dicible de l’indicible. Le seuil du tolérable et de l’intolérable se réglera-t-il sur l’opinion de l’époque ou sur des fondements intangibles ? Le problème est encore plus sensible face à un phénomène de type nouveau comme l’antisémitisme des années 2000.
Peut-on remédier à ces difficultés sans porter atteinte à la liberté d’expression et à l’universalité de la Loi? Même quand c’est là l’intention du législateur, comme dans la loi Gayssot sur le négationnisme, le génocide des Juifs n’est pas spécifiquement nommé – alors qu’une partie de l’opinion publique accuse les Juifs d’en être les seuls bénéficiaires et d’empiéter sur la “liberté de penser” de tous les autres.
Le “caractère antisémite” est-il l’arlésienne de la haine des Juifs ?
Introduction [10 h 00– 11h 00]
Paroles de bienvenue de Brigitte Kuster, maire du 17 e arrondissement
Shmuel Trigano : L’acte introuvable
Sammy Ghozlan : Entre opinion et acte, où passe la frontière ?
Face à l’acte antisémite [11 h 00– 11h 50]
sous la présidence de Richard Abitbol, vice-président du Bnvca
Michel Zerbib : L’affaire Halimi
Charles Baccouche : Les actes antisémites devant les tribunaux
Marc Bensimhon : La campagne de boycott devant les tribunaux
La perspective des institutions juives [11 h 50– 12 h10]
Joël Mergui, président du Consistoire
Francis Kalifat, vice-président du Crif
Débat général et pause
Le “caractère antisémite” en questions [14 h 00– 15 h 00]
Jean-Pierre Winter : Le passage à l’acte antisémite
Jean Szlamowicz : L’hypocrisie sémantique
Jacques Tarnero : Les modes du déni du “caractère antisémite”
Débat et pause
Liberté de pensée et réalité [15 h 30– 16 h30]
Josiane Sberro : Les discours incitatifs
Daniel Sibony : De l’acte inspiré par une vindicte indicible
Shmuel Trigano : Le poids de l’idéologie ambiante
Débat et pause
Table ronde : l’effet des lois [17 h 00– 18 h 00]
Jean-Claude Gayssot, ancien ministre, auteur de la loi Gayssot
Annabelle Philippe, vice-procureur, chef de la section Presse et Liberté au Parquet de Paris
Michel Zerbib, journaliste
Conclusion [18 h 00–18 h 30] Sammy Ghozlan et Shmuel Trigano
Lundi 7 avril 2014
10 h 00 – 18 h 30 / accueil dès 9 h 30
Salle des Fêtes de la mairie du 17e arrondissement de Paris
16 rue des Batignolles 75017 Paris, M° Rome
www.unipopu.org & www.sosantisemitisme.org
Entrée libre sur inscription :
bnvca.colloque@gmail.com / 06 61 61 55 22
Conformément à la réglementation en vigueur sur le droit à l’image – du public comme des intervenants – rappelons qu’il est interdit de filmer les séances.
Intervenants
Charles Baccouche : docteur d’État en droit, avocat au barreau de Paris, il s’est spécialisé en droit de la consommation, droit pénal des affaires et lutte contre l’antisémitisme.
Marc Bensimhon : avocat à la Cour, il représente le BNVCA contre l’appel au boycott des produits israéliens en France.
Sammy Ghozlan : commissaire honoraire de police, président-fondateur du Bureau national de vigilance contre l’Antisémitisme et président de l’Union des conseils des communautés juives d’Ile-de-France et du CCJ de Seine-Saint-Denis.
Josiane Sberro : ancienne chef d’établissement de l’Éducation nationale, vice-présidente de Primo-Info, site de réinformation sur le Proche-Orient, membre de Perec (Pour une école républicaine et citoyenne).
Daniel Sibony : psychanalyste, auteur de nombreux ouvrages, dont Le Racisme, une haine identitaire, au Seuil, 2001 ; Et, aux éditions Odile Jacob, Islam, Phobie, Culpabilité, 2013 ; Fantasmes d’artistes (vient de paraître).
Jean Szlamowicz : maître de conférences à Paris-IV Sorbonne. Linguiste, traducteur, il est l’auteur de Détrompez-vous ! Les étranges indignations de Stéphane Hessel décryptées, éd. Intervalles, 2011.
Jacques Tarnero : ancien chercheur associé au CNRS-Cité des sciences. Auteur-réalisateur de films documentaires, notamment Décryptage (2003), il a publié plusieurs essais, dont Le nom de trop. Israël illégitime ? Armand Colin, 2011.
Shmuel Trigano : professeur des Universités, fondateur de l’Université populaire du judaïsme et de l’Observatoire du monde juif, directeur des revues Pardés et Controverses, auteur notamment de La nouvelle idéologie dominante. Le post-modernisme, Hermann, 2011.
Jean-Pierre Winter : psychanalyste, président du mouvement du Coût freudien, auteur notamment de Les Hommes politiques sur le divan, Calmann-Lévy, 1995 ; Homoparenté, Albin-Michel, 2010 ; Transmettre (ou pas), Albin-Michel, 2012.
Michel Zerbib : journaliste, directeur de l’information à Radio J ; coauteur avec Olivier Guland de Nous, Juifs de France ! Bayard, 2000.